19 mai, au nord d'Inor.
Le cliquetis des chenilles d'un Panzer, même de taille modeste comme le PII A, sonne merveilleusement aux oreilles des Grenadieren. Münster peut lire dans les yeux des hommes de sa section le sentiment de puissance décuplée que cela leur procure. Pourtant, il va falloir parcourir près de 200 mètres sur la départementale avant d'atteindre le premier objectif des troupes d'assaut : le pont sur le ruisseau de la Noue. Dès potron minet, Münster et son homologue de la 2ème section d'assaut ont pu voir à travers leurs jumelles la barricade qui obstrue la sortie nord du pont. Et sur le pont lui-même, des disques métalliques ont été dispersées sur le tablier : mines anti-chars.
La section de Münster se charge de prendre le pont, de le nettoyer, et d'approcher le cimetière, deuxième objectif de la journée, en longeant la route principale.
La section de l'Unteroffizier Wengler traversera le ruisseau plus à l'Ouest et profitera du couvert de buissons pour prendre position le long du mur qui s'étire entre le cimetière et les berges de la Meuse.
Une section de mortiers de 81 appuiera de son feu l'avance des deux sections, d'abord par la mise en place d'un rideau de fumée, puis par des tirs de suppression que leur position en hauteur leur autorise sur le cimetière et l'Ouest d'Inor.
Une batterie de 105mm neutralisera l'aile droite des français : les bois en contre-pente abritent plusieurs nids de mitrailleuses qui surplombent la D964.
Pour compléter le dispositif de couverture, deux nids de mitrailleuses ont été creusés pendant la nuit au sortir de la route en terre qui quitte la départementale au sud du vallon de Soiry (K23 et J24).
La dernière automitrailleuse de la compagnie de reconnaissance se joint à la section de chars attribuée par l'état-major général afin de renforcer cet appui direct.
L'assaut se déclenche à l'aube comme prévu.
Les mortiers placent quelques fumigènes aux abords du cimetière, mais pas assez.
Les obus de repérage de l'artillerie lourde tombent sur les pentes qui dominent la départementale.
Münster hurle l'ordre d'assaut "
Vorwäts !!!" Les chars déboulent sur la route principale, talonnés par les soldats d'élite. Le pont est rapidement atteint sans aucune perte et un groupe se met en charge de désamorcer les mines anti-chars malgré l'intense tir ennemi, tandis que Münster positionnent deux MMG sur la crête sud du ruisseau. De loin en loin, il aperçoit les tirs de l'artillerie lourde qui pilonnent les bois au-dessus de la départementale. Les soldats français s'égayent en tous sens ! Les obus se décalent légèrement en direction du village, puis cessent de tomber. Les bouches à feu ne parleront plus. Münster apprendra après les combats qu'une balle perdue avait traversé la radio de l'observateur peu de temps après le début des combats, privant l'attaque de ce précieux soutien.
Les chars contournent l'obstacle et plongent dans le ruisseau, remontent sur la berge sud et foncent vers le cimetière avec une vingtaine de soldats collés à leurs chenilles. Le mur est atteint et les troupes d'assaut constatent avec satisfaction l'excellente travail de couverture des mortiers de 81. Les hommes se glissent parmi les tombent et progressent vers le mur sud. Ils sont sèchement arrêtés par des tirs d'armes individuelles et doivent refluer en désordre vers le ruisseau, échappant de peu à la capture. Le cimetière est repris à peine conquis !
Les hommes de Wengler courent de leur côté comme des dératés à travers un champ zébré de profonds sillons. Les balles sifflent au-dessus de leurs têtes en provenance des deux lignes de front. Ils atteignent le ruisseau en sueur, le franchissent sans s'attarder, progressent prudemment dans les buissons qui couvrent le terrain au nord du mur, leur objectif. Un PII A les rejoint au moment où ils se jettent derrière le muret. Soudain, un tir d'arme lourde se fait entendre au sud du bois qui sépare le cimetière du village : sans avoir pu tirer une seule rafale, le Panzer est pris à partie par un canon AA de 20mm porté sur un camion. Les obus s'abattent à une cadence infernale sur la tourelle du char. Plusieurs projectiles percent le blindage et ricochent à l'intérieur du véhicule, tuant ou blessant grièvement les membres d'équipage ! "
Scheiße !"
L'attaque a cependant parfaitement été synchronisée et les hommes de Wengler arrivent à point nommé, en même temps que la contre-attaque victorieuse des français. Les échanges de tirs à bout portant tournent en faveur des allemands. Un sous-officier français s'effondre entre les tombes, la quinzaine de soldats ennemis hésitent, tournent les talons, et sont fauchés par les pistolets mitrailleurs. Un seul homme résiste quelques minutes encore avant d'être assailli par les hommes de Wengler qui ne lui font aucun quartier. Le cimetière change à nouveau de mains !
Les français ne restent pas l'arme au pied. Rassemblant de nouvelles troupes, ils s'avancent en rampant du mur sud du cimetière. Les tirs deviennent de plus en plus nourris. L'automitrailleuse tente de contourner le flanc gauche des assaillants pour les forcer au retrait : en pénétrant dans un champ à l'Est de la D964 pour affronter une section ennemie montant au combat, elle reçoit un obus anti-char dans la caisse qui la fait littéralement exploser, mettant le feu aux blés environnants. Le canon a à peine dévoilé sa position, dans les vergers au sud du cimetière.
L'attaque allemande s'essouffle. Les français retrouvent une fougue suffisante pour bousculer les deux groupes qui tiennent encore le cimetière : l'un après l'autre, les soldats allemands quittent en courant l'abri du mur, et s'enfuient vers le ruisseau où Münster parvient tant bien que mal à les rallier. Mais il est trop tard pour relancer l'assaut. Et les pertes sont devenues trop importantes.
Heureusement, les mines ont été dégagées du pont.
*****
A l'Est, les compagnies de Grenadieren se sont déployées en ligne au petit matin. Les bois obscurs incitent à la prudence. De petits groupes de soldats sont envoyés en reconnaissance et les flanc-garde ouvrent l'oeil. La forêt est investie pas à pas sans résistance.
Lorsque le bois d'Inor est atteint, les positions françaises sont repérées une à une : des barbelés ralentissent la marche à certains endroits et les hommes sont pris sous le feu d'armes individuelles. Des éclaireurs tombent au milieu de champs de mines eux aussi défendus. Puis tout un réseau de points d'appui sont révélés les uns après les autres. Les compagnies s'empalent sur ces fortifications. Les attaques sont repoussées sur l'ensemble de la ligne. Aucun groupe ne parvient à pénétrer la défense française. Les pertes montent, sans contrepartie aucune. La route de Malandry est atteinte mais s'avèrent elle aussi fortement tenue.
Après plusieurs minutes d'intenses échanges de tirs, les allemands refluent. Les français prennent soin de reprendre les bois jouxtant leurs positions afin d'éviter que les allemands ne les prennent comme positions de départ ultérieures.
L'avance allemande a certes permis de prendre de vastes portions de forêt, mais la ligne de défense française apparait être un formidable obstacle, de quoi coller des maux de tête carabinés à l'état-major allemand.