Festung Budapest, CGI Day I, fin du tour 3 soviétique.
LE NOIR DESSEIN *
Serait-ce le destin de l’Eternelle Russie que celui d’être vouée aux regrets éternels ?
D’emblée, écartons tout de suite la tentation de vouloir accabler le hasard et cette maudite carte rouge me privant du soutiens de l’OBA. Car en vérité, un sort contraire est bien souvent le meilleur révélateur des erreurs commises.
Je ne vais pas ici vous égrener la vaine litanie des DR qui se sont abattus sur mes troupes parties à l’assaut des hexes F34 et F32 de la Cogwheel Railway et qui me laissent à l’Est, comme ça de mémoire, 5 squads valides pour le double de perte (8 squad DM, un Leader 9-1 et 2 squads KIA). Vous trouverez certainement le récit détaillé de cette hécatombe sur le post de mon ami Benj. Il est plus agréable de commenter le détail de ses exploits que de ses infortunes.
Je préfère ici vous faire part de mon analyse des erreurs commises qui, à la lumière crue du drame, émergent à ma conscience avec la brutalité de l’iceberg devant le commandant du Titanic.
1) Une erreur tactique.
Il s’agit d’un fait de jeu qui aurait dû m’interpeller... Après avoir perdu ma mission d’OBA on en vient à la Prep proprement dite. Là je décide de faire tirer mon Kill Stack de D39. C’est une première erreur : ma meilleure cible bénéficie d’un DRM de + 5 (ce qui fait + 4 avec mes Leaders). Il s’agit du 447 + LMG en F34 qui se trouve au milieu de ma route vers F31. Je dois déjà réaliser à ce stade que ce n’est pas normal : je suis mal placé. Je dois me repositionner. De fait, mes MG devraient au moins être à l’étage et non au RDC. De là, des cibles au Sud auraient été beaucoup plus logiques (d’autant plus qu’il s’agit d’un endroit crucial mais j’y reviendrai). Au lieu de cela, je suis littéralement obnubilé par une cible un peu plus loin qui me semble plus alléchante puisque c’est un 447 + MMG en F32… Je décompte une gène de 4 Orchard + 1 épave en F33. La LOS passe par un coin d’F34 où il y a également une épave. Mais, est-ce parce que l’épave est juchée sur la Cogwheel Railway et ne donne par conséquent pas l’impression de faire « tout l’hex » ? Est-ce parce que je désire au-delà de toute raison, animé par un sentiment de revanche et de frustration pour ne pas avoir eu d’OBA, rendre possible le tir ? Je tire en dépit du bon sens alors que ma cible est hors de LOS du fait de 6 points de gêne à la LOS. Cet échec cuisant, cette bourde incroyable faisant suite à la carte rouge de la mission d’artillerie aurait dû m’interpeller immédiatement. Mais je n’avais pas compris que j’étais déjà enfermé dans une autre erreur encore plus grave : une erreur doctrinale !
2) Une erreur doctrinale.
Avec près de trois semaines de trêve, heureux évènement oblige et Benj étrennant ses premiers galons de papa (je renouvelle au passage mes plus chaleureux veux de bonheurs à toute la petite famille) j’ai eu tout mon temps pour préparer à fond mon attaque. Et vous êtes témoins que je m’étais promis d’opter pour la prudence au cas où la smoke n’était pas tombée. Foin de ces belles résolutions : j’estime malgré l’échec total de la PFPh que je peux encore me lancer à l’assaut. Je pense avoir suffisamment de troupes pour réussir à déborder 2 squads. Je pense que sur le nombre de DR il ne pourra pas tous les réussir (et moi, ne pas tous les rater). J’oublie juste les mortiers les armes encore cachées, et la HMG en E30 qui ne ramène pas exactement l’opposition à seulement deux squads mais passons. Benj ne réussira pas tous ses jets mais… presque tous. Et moi je ne raterai pas tous mes jets de Moral, mais une large majorité. Or, tout ceci n’est pas arrivé d’un coup : mais progressivement. Et vous connaissez l’allégorie de la grenouille : l'idée que si l'on plongeait subitement une grenouille dans de l'eau chaude, elle s'échapperait d'un bond, alors que si on la plongeait dans l'eau froide et qu'on portait très progressivement l'eau à ébullition, la grenouille s'engourdirait ou s'habituerait à la température et finirait ébouillantée. Et bien c’est exactement ce qui s’est passé. J’avance, j’encaisse, je prends un autre squad, j’avance, j’encaisse etc… Je renouvelle cette séquence jusqu’à l’hypnose, et, puisant dans la frustration de l’échec et l’obnubilation de l’objectif, je bois le calice de mon obstination jusqu’à la lie. J’aurai dû reconnaître que le plan initial était caduc. Des signaux d’alarmes toujours plus nombreux se sont tour à tour allumés. Un bon stratège sait s’adapter à la situation. Il ne s’agit pas de changer de plans comme de chemise, ni d’être une girouette changeant d’avis au grée des DR abandonnant persévérance et ténacité aux quatre vents, mais de savoir abandonner un plan quand il est mauvais. Mais cette erreur doctrinale prend sa source dans une erreur originelle, la plus grande de toute : une erreur stratégique.
3) Une erreur stratégique
Ce sont mes buts stratégiques qui m’ont enfermé dans l’erreur doctrinale. Quand je prends un peu de recul et un peu de hauteur, au sens propre du terme, sur cette partie, il y a une chose qui me frappe : le but de victoire du premier scénario : l’hex G31 se situe presque dans la diagonale de ce demi cercle qui forme la « cuvette » au centre de laquelle trône la Coghweel Railway. D’un point de vue stratégique, c’est une gabegie de vouloir s’y rendre en empruntant un chemin direct. La diagonale du fou ! G31 est un appât mortel pour m’attirer dans la gueule du loup. Non seulement c’est un leurre qui fait miroiter de maigres récompenses en termes de gain de scénario, mais le but de la campagne n’est pas de gagner le premier scénar. Et l’expérimenté Barns l’avait prédit : une campagne ne se conduit pas comme un scénar ! De quoi ais-je besoin en réalité ? D’agrandir impérativement le périmètre de mon futur espace de setup, ce qui passe avant tout par élargir la base d’entrée par les côtés Est et Sud. Mes objectifs auraient dû être A30 et I39 ! Pas G31 ! Car si je tiens les côtés, le centre fini par tomber comme un fruit mûr. Ne pas avoir compris ça dès le départ rends tout le reste très hypothétique pour ne pas dire voué à l’échec.
J’ai donc cherché le choc, l’ordalie, voir si le destin était mon ami, en me ruant sur l’ennemi comme en 14 (expression, qui en soi, aurait dû m’interroger), comme tant de fou dans l’Histoire... Mais Benj a tenu bon (le destin choisi bien ses héros)… Et il est hélas trop tard pour dire que tout ceci n’en valait pas la chandelle.
Je risque au prochain tour de me prendre une contre-attaque qui tuerai littéralement cette campagne dans l’œuf ! Si par miracle tel n’était pas le cas, si mes nombreuses troupes DM se ralliaient, j’aurai une dernière chance d’attaquer avant la fin du CG Day. Je m’efforcerai de prendre A30 ainsi que I38/I39 pour gagner la « bataille des côtés ». Je commencerai alors une toute autre campagne : le Day 2 me verrai investir dans des SW et de l’Artillerie afin de pouvoir porter des coups et de renverser un peu le ratio des pertes en ma faveur. De toute façon une progression n’est jamais linéaire. Un front, ça tient, et puis ça rompt…
Je me désole vraiment que cela soit si mal parti car mes chances de victoire finale sont déjà hypothéquées. En termes d’investissement dans cette campagne, de temps de réflexion, de plans tracés sur la comète, d’espoirs, de rêves, c'est, certes une amère déception. Mais le plus beau défit lancé à l’Homme, ce qui fait son honneur, son panache, n’est-il pas celui de devoir affronter en face le noir dessein de sa destinée ?
* Titre du 3ème livre du Cycle du Fleuve de Philip José Farmer.
PS : Merci à Rémy pour le prêt de ses livres.